Cardinal Paul Poupard
Président Emérite du Conseil Pontifical de la Culture
Préface du livre "De la Passion à la Résurrection"
En ce 150ème anniversaire des Apparitions de la Vierge Marie à la petite Bernadette à la Grotte de Massabielle, nous avons la grâce de méditer le beau chemin de croix, messager visuel d’amour et d’espérance, que Maria de Faykod a réalisé avec son immense talent de sculpteur et sa foi rayonnante pour permettre aux malades et handicapés d’accompagner Marie, la sainte Mère de Jésus et notre mère, en son chemin de croix avec son Fils , Fils de Dieu devenu notre frère, en tout semblable à nous, y compris dans la souffrance, le péché excepté : chemin de foi, d’espérance et d’amour.
Cette œuvre monumentale ruisselle de foi et de beauté. La souffrance de Jésus transparaît dans le marbre lumineux de Carrare, comme une invitation paisible à la partager avec amour, en unissant nos douleurs aux siennes, avec Marie, Mater dolorosa et Mater spei, mère douloureuse emplie d’espérance empreinte de douceur maternelle. Le visage de Simon qui aide Jésus à porter sa croix nous incite à porter la nôtre avec courage et sérénité. Le geste de compassion de Véronique essuyant avec tendresse le visage de Jésus nous invite à partager les épreuves de nos frères souffrants dans la solitude, à leur témoigner notre amour fraternel avec la même délicatesse agissante. Le visage de Jésus qui console les femmes éplorées de Jérusalem témoigne de la gravité des chutes successives, tout en demeurant empreint de douceur et de bonté. Dépouillé de ses vêtements, le fils de la Vierge Marie cloué sur la croix d’ignominie nous invite à nous tourner vers le Père avec une foi inentamée à l’heure même de la déréliction abyssale : « Entre tes mains, je remets mon esprit ». Descendu de la croix et mis au tombeau, nous partageons avec l’espérance de Marie la foi dans la résurrection.
Avec des millions de pèlerins, malades et handicapés vont désormais pouvoir parcourir le chemin de croix des sanctuaires de Lourdes avec Maria de Faykod dont les sculptures monumentales s’offrent à tous comme une invitation pressante à vivre le message de prière et de pénitence transmis par la Vierge Marie à la petite Bernadette. Ce parcours est un chemin de croix.
Ce chemin de croix est un chemin d’espérance pour les malades dont la souffrance est transfigurée par la communion au Christ de la Passion pascale. Il est chemin d’amour pour les hospitaliers dont l’aide samaritaine à nos frères souffrants, à la piscine et en chaise roulante, s’identifie à la tendresse des regards de Simon et de Jésus qu’il aide à porter sa croix. Il est pour tous un chemin de foi.
La beauté de l’œuvre d’art nous aide à découvrir la bonté du Seigneur sous le regard virginal et maternel de la Vierge Marie, plus jeune que le péché et messagère du ciel vers lequel elle nous invite à tourner nos regards : l’invisible rendu visible à nos yeux par la beauté authentique qui transfigure la matière pour ouvrir les esprits et toucher les cœurs, en exprimant tout à la fois le mystère du Dieu incarné blessé dans sa chair, et le mystère de l’homme dont la vie et la mort acquièrent un sens nouveau de la Passion rédemptrice de Jésus . Le nouveau chemin de croix de Lourdes s’inscrit ainsi dans cette floraison millénaire de beauté qui tire sa sève du mystère de l’incarnation du Fils de l’homme et rend présent par le langage sensible de la sculpture le mystère indicible du Verbe fait chair, mort pour nos péchés et ressuscité pour nous donner la vie. Maria de Faykod nous traduit dans le marbre le message du Concile Vatican II : « Telle est la qualité et la grandeur du mystère de l’homme, ce mystère que la Révélation chrétienne fait briller aux yeux des croyants. C’est donc par le Christ et dans le Christ que s’éclaire l’énigme de la douleur et de la mort qui, hors de son Evangile, nous écrase. Le Christ est ressuscité, par sa mort Il a Vaincu la mort, et Il nous a abondamment donné la vie pour que, devenus fils dans le Fils, nous clamions dans l’Esprit : Abba, Père ! » ((Gaudium et Spes, n° 22).
La souffrance partout présente à Lourdes est transfigurée dans le marbre de Maria de Faykod par la sérénité des visages et la tendresse des gestes dans la transparence de l’œuvre d’art née de la contemplation du mystère. Le regard serein de Marie soutenant le corps mort de son Fils descendu de la croix, c’est la Mère des douleurs qui porte dans ses bras maternels le cortège empli de peine et de chagrin de tant de mamans blessées par les épreuves de leurs enfants. Seule une femme artiste pouvait nous introduire avec tant de douceur et de tendresse en cet océan de peine, cette mer de détresse en proie à l’iniquité, sans perdre cœur, dans l’attente croyante de la résurrection bienheureuse où l’espérance besogneuse de la foi peineuse fera place à l’amour partagé de la Trinité avec le peuple de Dieu ressuscité, enfin réuni tout entier pour l’éternité : « Ils seront son peuple, et Lui, Dieu, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y aura plus, de pleur, de cri et de peine, il n’y aura plus, car l’ancien monde s’en est allé (Apoc.21, 3-4).
Cinq années de travail inspiré par le cheminement spirituel d’une vie croyante nous ont donné un chemin de croix évangélique, en écho fidèle au message de la Vierge à la petite Bernadette, comme une sorte de pont vivant lancé de la terre de Lourdes vers le ciel, déjà sur cette terre un peu de Paradis. De station en station, les sculptures du chemin de croix de Maria de Faykod nous aident à laver nos esprits de tant d’images obsédantes qui les encombrent et à ouvrir nos coeurs pénitents à la grâce rédemptrice du Seigneur. En égrenant avec sainte Bernadette les grains du rosaire de la Vierge Marie, nous mettons avec foi nos pas dans ceux de Jésus, pour vivre avec amour les mystères joyeux, lumineux et douloureux de nos vies peineuses, dans l’espérance des mystères glorieux où ils seront assumés et transfigurés.
Rome, le 11 février 2008
Paul Cardinal Poupard
Président Emérite du Conseil pontifical de la culture
Et du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux